La religion en albanie : entre islam et christianisme

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La religion en Albanie présente un paysage sans équivalent en Europe. Le recensement de 2023 marque un tournant historique : pour la première fois depuis 200 ans, les musulmans ne constituent plus la majorité absolue avec 45,86% de la population. Cette évolution reflète la transformation profonde d’un pays qui fut le seul État constitutionnellement athée au monde entre 1967 et 1990.

La religion des albanais se caractérise aujourd’hui par une coexistence pacifique entre musulmans, chrétiens orthodoxes, catholiques et bektashis. Le pays compte désormais 1,101,718 musulmans, 201,530 catholiques, 173,645 orthodoxes et 115,644 bektashis selon les données officielles de 2023.

L’histoire de la religion en Albanie débute avec l’arrivée du christianisme dès l’époque apostolique. Saint Paul prêcha « jusqu’en Illyrie » selon l’Épîtres aux Romains. Durrës accueillit son premier évêque dès les premiers siècles du christianisme, faisant de l’Albanie l’une des premières terres européennes christianisées.

La division de l’Empire romain en 395 place l’Albanie sous autorité byzantine. Le Grand Schisme de 1054 crée une fracture religieuse durable. Le nord reste fidèle à Rome tandis que le sud adopte l’orthodoxie byzantine. Cette répartition géographique marque encore aujourd’hui la pratique de la religion en Albanie.

L’apogée du christianisme en Albanie survient entre 1350 et 1370. Le territoire compte alors 17 évêchés catholiques. Les Franciscains s’implantent au XIIIe siècle avec le soutien vénitien. Cette période prend fin avec l’arrivée des Ottomans en 1385 et de leurs victoire lors de la bataille de Savra.

Les Ottomans ont régné sur l’Albanie pendant plus de cinq siècles, de 1385 à 1912, bien que la conquête complète n’ait été achevée qu’en 1478 en raison de la résistance de Skanderbeg et de ses alliés. Cette longue période de gouvernance ottomane a permis une transformation religieuse progressive et pacifique de l’Albanie : d’un territoire chrétien divisé entre catholiques au nord et orthodoxes au sud, le pays s’est graduellement ouvert à l’islam, passant de moins de 5% de musulmans au XVIe siècle à 70% lors de l’indépendance en 1912.

Les conversions se sont faites naturellement, attirées par les avantages de la citoyenneté ottomane (exemption de taxes, accès aux fonctions administratives). Cette période a enrichi l’Albanie d’un patrimoine islamique remarquable qui caractérise encore le pays aujourd’hui, où les musulmans représentent 45,86% de la population selon le recensement de 2023.

En 1912, l’Albanie accède à l’indépendance avec une population à 70% musulmane, héritière de cinq siècles de présence islamique ottomane. Cependant, dès son indépendance, le nouvel État choisit une orientation séculaire sans religion officielle, établissant un Conseil de régence inter-religieux (1920-1925) où musulmans sunnites et bektashis siègent aux côtés des chrétiens.

L’adoption du slogan « La religion des Albanais est l’albanité » du poète Pashko Vasa illustre cette tendance à placer l’identité nationale au-dessus de l’appartenance religieuse, un concept étranger à la tradition islamique qui privilégie l’unité des croyants. Cette période voit l’émergence d’un islam albanais isolé.

Le communisme en Albanie impose dès 1945 des restrictions religieuses croissantes. La réforme agraire de 1946 nationalise les biens ecclésiastiques. En 1949, une loi exige la loyauté au parti de toutes les institutions religieuses.

Le 6 février 1967, Enver Hoxha lance une révolution anti-religieuse. L’Albanie devient constitutionnellement le « premier État athée du monde ». L’article 37 de la Constitution de 1976 officialise cette interdiction totale.

En sept mois, le régime détruit 2,169 édifices religieux dont 740 mosquées, 608 églises orthodoxes, 157 églises catholiques et 530 tekkes disparaissent. La cathédrale de Shkodër devient un gymnase. Les icônes servent de bois de chauffage. Un Musée national de l’athéisme ouvre à Shkodër.

La répression frappe durement. Plus de 200 religieux toutes confessions confondues subissent l’emprisonnement. Les méthodes de torture défient l’imagination : électrodes, suspension prolongée, immersion glacée.

Des imams sont exécutés, d’autres passent des décennies en prison. Les autorités punissent sévèrement toute pratique religieuse, même la plus discrète. Malgré cette terreur, 38,7% de la population maintient des pratiques religieuses clandestines selon les enquêtes ultérieures.

Les stratégies de survie varient. Des familles rurales transmettent secrètement les enseignements islamiques. Des exemplaires du Coran restent cachés dans les murs et sous les planchers. Le Ramadan s’observe discrètement même en prison, les détenus musulmans jeûnant en silence malgré les risques. Cette résistance souterraine préserve les traditions islamiques pour la génération suivante.

La mort d’Enver Hoxha en 1985 amorce la libéralisation. Ramiz Alia autorise progressivement le retour du religieux. En décembre 1990, l’interdiction religieuse est officiellement levée. La liberté religieuse en Albanie renaît après 23 ans d’athéisme forcé.

La reconstruction s’avère titanesque. La majorité des lieux de culte ont été détruits. L’aide internationale afflue massivement. La Turquie et les pays arabes financent les mosquées. Selon les statistiques de 2008 des communautés religieuses en Albanie, il y avait 1,119 églises et 638 mosquées dans le pays

Le cadre légal garantit l’égalité des communautés religieuses. La Constitution de 1998 réaffirme la neutralité de l’État. Des accords spéciaux lient le gouvernement aux cinq communautés principales.

Paradoxalement, la religion des albanais contemporain se caractérise par une pratique limitée. Le recensement de 2023 confirme cette tendance séculaire : 13,82% se déclarent « croyants sans dénomination » et 3,55% athées soit environ 17,4% de non-religieux au total.

L’identité religieuse reste davantage culturelle que spirituelle. L’éducation publique demeure strictement séculaire et l’enseignement religieux reste interdit dans les écoles publiques. L’émigration massive a effectivement contribué à cette sécularisation : la population albanaise a diminué de 429,000 personnes entre 2011 et 2023, soit une baisse de près de 14%.

Cette évolution démographique et le départ massif des jeunes accentuent la déconnexion avec les pratiques religieuses traditionnelles, créant une société de plus en plus sécularisée malgré l’héritage historique religieux du pays.

La disponibilité de nourriture halal en Albanie a connu une croissance ces dernières années, particulièrement à Tirana. La capitale abrite désormais plusieurs restaurants certifiés halal. Les boucheries halal se concentrent stratégiquement près des mosquées dans toutes les villes principales.

Dans les villes secondaires comme Shkodër, Durrës et Elbasan, l’infrastructure halal reste plus limitée mais fonctionnelle. Le système de certification, bien qu’en développement, manque encore d’uniformité nationale, il est recommandé de vérifier directement avec les établissements.

L’Albanie compte des centaines de mosquées, mais ce chiffre masque une réalité complexe : plusieurs d’entre elles nécessitent des rénovations majeures après des décennies de négligence. La nouvelle Grande Mosquée de Tirana, inaugurée en octobre 2024, dispose de 5 000 places et d’une architecture Ottomane. Les mosquées historiques comme Et’hem Bey à Tirana et la Mosquée du Roi à Elbasan, témoignent d’un riche héritage ottoman.

L’éducation islamique se structure autour de quelques madrasas et de l’Université Bedër à Tirana, première université islamique du pays qui offre des programmes de licence et master en études islamiques avec bourses complètes disponibles. Les programmes coraniques pour enfants et adultes fonctionnent principalement dans les mosquées locales.

La Constitution albanaise garantit une liberté religieuse complète, mais la réalité quotidienne révèle une société profondément sécularisée. Le port du hijab reste extrêmement rare, souvent perçu comme « non-albanais » et pouvant susciter des regards interrogateurs voire des commentaires négatifs, particulièrement en milieu professionnel ou éducatif.

La pratique du Ramadan reste largement privée et familiale. Les restaurants et commerces maintiennent leurs horaires normaux. Les iftars communautaires existent mais attirent principalement les pratiquants réguliers, minoritaires dans la population. Les familles se réunissent pour l’Aïd sans que tous observent nécessairement le jeûne.

L’héritage du régime communiste marque encore profondément la société. La destruction de 2 169 bâtiments religieux en sept mois et des décennies de répression ont créé une génération sans transmission religieuse. Cette rupture historique explique la méconnaissance généralisée des pratiques islamiques fondamentales.

Les défis restent considérables. La fin de la majorité musulmane absolue en 2023 marque un tournant historique. La sécularisation croissante, les influences étrangères et les questions patrimoniales non résolues menacent l’équilibre. L’intégration européenne complique la préservation de cette identité religieuse.

L’Albanie offre aux musulmans un environnement mêlant liberté constitutionnelle et défis culturels. Les inconvénients comprennent une sécularisation extrême marginalisant la pratique religieuse visible, des infrastructures religieuses insuffisantes et des préjugés latents contre les expressions de foi publiques.

Pour les familles voulant faire la hijra, l’Albanie peut convenir à ceux cherchant un pays musulman nominal, mais représente un défi pour ceux désirant une société activement religieuse. Le succès dépendra largement de la capacité à naviguer entre pratique privée et vie publique séculaire, tout en contribuant au renouveau progressif de l’infrastructure islamique du pays. Les musulmans adoptent généralement une approche discrète, en s’intégrant aux réseaux communautaires existants, particulièrement autour des mosquées principales et des organisations comme la Communauté Musulmane d’Albanie.

Sources : Balkan Insight (2019), Cairn.info, Wikipedia, Albania 360 (2025), Country Studies, Chicago Tribune (2007), Pew Research (2012), Recensement albanais (2023), Données démographiques albanaises (2011-2023), Persée – René Epp.

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